23e Colloque : Facteurs communs de la réussite


Vendredi 9 octobre 2009 à 15 h, Musée social, 5 rue Las Cases, Paris


Analyse d’un sondage auprès d’anciens patients/clients


par Serge Ginger, secrétaire général de la FF2P


Introduction

J’ai le plaisir de vous présenter maintenant les résultats d’un sondage que nous avons effectué, en vue de ce colloque, auprès d’anciens clients de psychothérapeutes membres de la FF2P.

Ce travail a été effectué par la Commission de Recherche de la FF2P qui était constituée de : Michèle Benoit, présidente ; Serge Ginger, secrétaire ; Jean-Loïc Albina ; Anne Ginger ; Colette Pernez ; Mireille Saint Etienne. La Commission s’est réunie pendant 5 journées de travail, entre avril 2008 et septembre 2009, pour élaborer un questionnaire - doublement anonyme (en ce qui concerne les clients et les thérapeutes), comprenant 22 questions ; puis, pour effectuer en commun l’analyse des résultats.

Ce questionnaire était envoyé à d’anciens clients ayant terminé leur dernière tranche de thérapie depuis au moins un an (1 à 3 ans, pour 60 % d’entre eux). D’autres clients pouvaient aussi répondre directement, à partir du questionnaire téléchargé sur le site de la Fédération.

Je tiens à remercier ici tout particulièrement Colette Pernez qui a effectué le dépouillement statistique initial sur des vastes tableaux Excel et les a traduits en délicieux « fromages » et échelles sympathiques dans un document Power Pointque nous pourrons tous apprécier de suite sur l’écran.

Ce modeste sondage n’a, bien entendu, pas de prétention scientifique : nous n’ignorons pas les différents « biais » statistiques d’une telle diffusion, mais nous ne disposons pas des adresses des clients de nos membres et nous voulions analyser les réponses des « usagers » et pas seulement celles des praticiensqui pourraient être tentés de surestimer les bienfaits de leur intervention (ce qui constitue un autre « biais » !). Bien entendu, certains psychothérapeutes ont pu éviter de faire parvenir ce questionnaire à ceux de leur clients qui avaient peu — ou mal — évolué durant la thérapie. De plus, la centaine d’ex-clients qui ont pris la peine de répondre constitue aussi une sélection de personnes motivées… 

Quoi qu’il en soit, cette recherche qualitative (touchant des personnes spécifiques et apportant des réponses détaillées) est venue apporter quelques éléments intéressants de réflexion, venant confirmerou parfois infirmer – les deux précédentes recherches quantitatives sur une plus grande échelle (échantillon représentatif de la population française adulte, selon la « méthode des quotas » (sexe, âge, profession, domicile), touchant 8 000 personnes interrogées, que nous avions lancée en 2001, à l’occasion de nos États généraux, en collaboration technique avec l’Institut National de Sondages BVA et le magazine Psychologiesenquête reprise par ce magazine cinq ans plus tard, en 2006, auprès de 6 000 adultes, par l’Institut CSA.

J’espère ne pas vous lasser par une série un peu fastidieuse de chiffres… mais vous pourrez étudier les résultats, par la suite, dans le calme, sous forme écrite.

En attendant, je me suis permis d’arrondir ces chiffres pour faciliter l’écoute.


Les résultats


1 • Le sexe des clients

75 % des répondants sont des femmes. L’enquête BVA de 2001 dénombrait 2/3 de femmes. Cette forte prédominance des femmes se retrouve dans tous les pays — parmi les clients comme parmi les praticiens. D’une part, les femmes verbalisent et partagent plus volontiers leurs états d’âme, et d’autre part, elles demandent plus facilement de l’aide.


2 • L’âge

Dans cette dernière enquête, les clients se répartissent entre 20 ans et 88 ans, selon une pyramide régulière, avec une pointe entre 40 et 49 ans. On constate le même « pic » dans l’enquête CSA : s’agit-il de la fameuse « crise du milieu de la vie » — où l’on est tenté de faire le premier bilan de son existence ? « Qu’ai-je fait de ma vie… et qu’en faire maintenant ? ».


3 • La profession

42 % des clients ayant répondu à ce sondage étaient eux-mêmes des professionnels de la « relation d’aide » médico-psycho-socio-éducative : 20 % de paramédicaux ou travailleurs sociaux, 10 % de psychologues ou psychothérapeutes, 10 % d’enseignants ou formateurs. On note par ailleurs : 10 % d’artistes, un architecte, un artisan carreleur et un buraliste… Pas d’agriculteur ni d’ouvrier d’usine : la psychothérapie ne s’est pas encore totalement démocratisée, bien quelle atteigne, en 2006 : 8 % de la population française adulte… et notamment depuis les polémiques ayant suivi le dépôt de « l’amendement Accoyer » — polémiques qui ont donné lieu à plus de cent articles dans la grande presse nationale et à une vingtaine d’émissions sur toutes les chaînes, publiques et privées, de télévision. Ce chiffre ne s’élevait en effet qu’à 5,2 % en 20011.

Ces 8 % des 50 millions de Français âgés de plus de 15 ans représentent 4 millions de personnes ayant entrepris une psychothérapie ou une psychanalyse. Si l’on considère que leurs proches (conjoint, enfants, amis proches ou collègues de travail) sont indirectement impliqués, on arrive à un chiffre impressionnant de l’ordre de… 10 millions de personnes concernées par la psychothérapie (chiffre évoqué dans le dernier rapport officiel de la Miviludes) : il s’agit donc bien d’un problème de société.

4 • La psychothérapie

La moitié  (48 %) des répondants à cette dernière enquête avait déjà entrepris une autre thérapie auparavant.

Quelles étaient les principales motivations pour entreprendre cette dernière thérapie ? (Chacun pouvait citer, bien entendu, plusieurs motivations) :

- 60 % éprouvaient un sentiment de malaise ou de mal être ;

- 50 % désiraient mieux se connaitre ;

- 40 % souffraient de dépression, d’un sentiment de solitude ou d’abandon ;

- 30 % souffraient de stress, d’angoisse ou de phobies ;

- 25 % se plaignaient d’échecs répétés, sur un fond de manque de confiance en soi;

- 20 % sont entrés en thérapie à la suite de problèmes de couple ;

- 20 % à la suite d’un traumatisme psychologique ;

- 20 % se plaignaient de troubles alimentaires (boulimie ou anorexie) ;

- 10 % se plaignaient de difficultés sexuelles ;

- 10 % de conflit familial

- 10 % de conflit professionnel.

Ces pourcentages varient quelque peu d’une enquête à l’autre, mais la liste de la dizaine de motivations principales reste comparable, avec comme thèmes majeurs : la dépression, l’angoisse et le manque de confiance en soi, ainsi que les conflits conjugaux, familiaux et professionnels.

Pour la moitié est présent parallèlement le désir de mieux se connaitre — où l’on rejoint la recherche de « développement personnel ».


5 • Comment avez-vous trouvé votre thérapeute ?

Là, les réponses apportent quelques légères surprises :

Ainsi les recommandations représentent au total les 3/4 (75 %), et les annonces et publicités 20 % seulement. (C’est à se demander s’il est judicieux d’investir beaucoup dans la publicité !).


6 • Formation préalable du psychothérapeute :

D’après ce que savent ou pensent les clients, 85 % de leurs thérapeutes sont perçus comme « psychothérapeutes ». 30 % des thérapeutes avaient, par ailleurs, une formation, parallèle ou antérieure, de psychologues (15 %), de psychanalystes (10 %) ou de médecins (5 % seulement) — ou plusieurs de ces formations — tandis que 70 % sont perçus comme « psychothérapeutes » à titre essentiel. Ces appréciations restent relatives, car beaucoup de patients/clients ne se sont pas enquis en détail de la formation de leur thérapeute. Cependant, on peut noter la faible proportion de médecins et la proportion limitée de psychologues — ce qui met en question, une fois de plus, la récente « loi Bachelot » qui écarterait ainsi 70 % des professionnels (dont on verra tout à l’heure que les « usagers » sont particulièrement satisfaits !).


7 • Les méthodes

Les totaux sont supérieurs à 100 % car plusieurs ont bénéficié d’une approche éclectique ou intégrative, se référant à plusieurs méthodes.

A noter que les approches psychanalytiques (analyse traditionnelle ou psychothérapie analytique en face à face) ne concernent que 20 % de notre échantillon (contre 30 % lors de l'enquête nationale de 2001, et 20 % lors de l'enquête de 2006). Ainsi, 80 % des psychothérapies sont donc non analytiques, celà malgré le préjugé répandu dans le grand public — entretenu notamment par l'illustration traditionelle d'un « divan » dans la plupart des magazines !

Dans notre échantillon (non représentatif de l'ensemble, puisque fait dans le cadre de la FF2P), on ne compte que 4 % de TCC, contre… 20 % dans les enquêtes de 2001 et de 2006. En fait, l'annuaire de la FF2P ne recense que 6 thérapeutes (sur 1 400) se référant aux TCC et adhérents à notre Fédération, soit un poucentage infime !


8 • Le cadre de la thérapie


9 • Durée globale de la dernière « tranche » de thérapie

La durée statistique moyenne des thérapies dans cet échantillon est de 43 mois, soit 3 ans et demi, la majorité des thérapies ayant duré 2 ou 3 ans (et certaines, jusqu'à 10 ou 12 ans).

On note là une différence majeure avec les deux enquêtes nationales précédentes qui s'adressaient à un public « tout venant » : la durée moyenne était alors de l'ordre de un an… mais de nombreuses personnes — mal informées — avaient considéré sans doute comme « psychothérapie » un simple accompagnement verbal épisodique de leur médecin traitant (encore un « biais satistique » !).


10 • Durée des séances

soit 84 % entre 45 et 60 minutesce qui peut être considéré comme unedurée moyenne « normale » dans les approches classiques.

Certaines techniques impliquent des séances éventuellement plus longues : EMDR, certaines thérapies psychocorporelles…


11 • Fréquence des séances

soit 90 % toutes les semaines ou toutes les deux semaines.

Les autres fréquences demeurent exceptionnelles : plusieurs fois par semaine, une fois par mois ou encore, une fréquence irrégulière.


12 • Prix des séances

Ces tarifs se réfèrent à une période antérieure (de 3 à 5 ans, en moyenne) et concernent aussi bien Paris que la province :


13 • Médicaments psychotropes

On constate une légère diminution de la prise de médicaments psychotropes :


14 • Les effets de la psychothérapie

(Là encore, les pourcentages dépassent 100%, puisque chacun a évoqué plusieurs effets, dans une question « ouverte »).

Les effets sont de deux types (interdépendants) :

- amélioration de la personne elle-même ;

- amélioration de ses relations avec les autres.

- 60 % des répondants ont constaté une meilleure connaissance de soi ;

- 40 % une meilleure estime de soi ;

- 40 % une meilleure prise en compte des relations du corps, des émotions et de la psyché ;

- 30 % ont trouvé un apaisement, un espoir dans leur vie ;

- 15 % ressentent moins de culpabilité ;

- 15 % ont pu relativiser un traumatisme ;

- 7 % ont dépassé une phobie.

Ces progrès ont eu un impact évident sur leurs relations à leur environnement :

Au total, 94 % des ex-clients estiment avoir une bien meilleure perception d'eux-mêmes et de leur juste place dans la société : 75 % constatent un important changement par rapport à leurs proches, et 70 % dans leur vie sociale en général. Les effets de la psychothérapie sont donc évidents, et ne se limitent pas à l’intéressé lui-même. L’impact social de la thérapie a peut-être été trop souvent négligé…


15 • Qu'est-ce qui s'est avéré le plus important dans votre thérapie ?

(question « ouverte »).

Nettement en tête, pour la moitié des clients (47 %), est citée l'expérience nouvelle de se sentir écouté, compris et accepté, c'est à dire l'établissement d'une relation de confiance avec le thérapeute alliance thérapeutique ») ; et cela constitue un des points communs de toutes les approches thérapeutiques2.

Cela a permis de mieux s'accepter soi-même, de reprendre confiance en soi (20 %), de se « sentir mieux dans sa peau » et d'arrêter les somatisations (15 %) ; 10 % évoquent un sentiment de sécurité apporté par le cadre et la régularité des séances.


16 • Évaluation générale

Ce très haut pourcentage de satisfaction apparaissait déjà dans les deux enquêtes précédentes : 84 % en 2001 et 87 % en 2006 !

De plus, et contrairement aux déductions erronées de la Miviludes, les insatisfaits (aggravation) ne représentaient alors que… 2 % (et non… 16 %, compte tenu des non réponses !). On est donc très loin du mythe de « milliers de plaintes » évoquées par Bernard Accoyer et repris par les Pouvoirs publics !

D'ailleurs, la principale compagnie d'assurances des psychothérapeutes certifiés (AXA) n'a été saisie… d'aucune plainte depuis deux ans !


17 • Si j'éprouve à nouveau des difficultés, je reprendrais volontiers…

Ces réponses sont congruentes avec le taux de satisfaction déjà exprimé.


18 • Mon appréciation subjective de mon dernier thérapeute

(question ouverte, avec plusieurs réponses possibles)

Ses qualités principales peuvent être décomposées en qualités relationnelles et compétences techniques :


Que conclure de ce 3e sondage direct auprès des « usagers » ?


Les résultats de ce sondage sur un effectif limité sont assez voisins de ceux obtenus sur des échantillons larges, de plusieurs milliers de personnes « grand public » : ils ont l'intérêt d'être plus nuancés, car la population touchée, via notre Fédération, sait de quoi elle parle : il s'agit bien, cette fois-ci de « psychothérapie » proprement dite, contrairement aux deux enquêtes nationales précédentes — où certains répondants considéréaient sans doute comme « psychothérapie » de simples conseils prodigués par leur médecin traitant (d'où une nette surestimation des approches comportementales et des interventions médicales).

Les premières leçons à tirer — à partir de cette avalanche, parfois un peu indigeste, de chiffres — sont la satisfaction massive des clients par rapport à leur psychothérapeute, et l'impact social important de la psychothérapie, qui agit à la fois sur le mieux être du patient/client et sur ses relations à son entourage.

Rappelons que les statistiques nous enseignent que les personnes satisfaites d’un événement en parlent en moyenne à 3 amis ou collègues, tandis que les personnes insatisfaites partagent leur mécontentement avec… 11 personnes de leur entourage !

Un second constat est le fait que 70 % de ces psychothérapeutesayant donné toute satisfaction — ne sont, par ailleurs, ni médecins, ni psychologues, contrairement aux nouvelles dispositions de la loi du 21 juillet 2009 — dont nous espérons qu'elle sera modulée par un décret d'application souple et réaliste.

Ce dernier sondage confirme l'importance du courant humaniste, par rapport aux approches psychanalytiques (ou « psychodynamiques »), et surtout par rapport aux TCC. Ce même constat se retrouve d'ailleurs dans la dernière enquête nationale suisse — dont je n'ai pas fait état ici.

La psychothérapie proprement dite bénéficie habituellement d'un cadre précis : une séance hebdomadaire ou bimensuelle de 45 à 60 minutes, pendant un à trois ans, au tarif de 50 à 70 euros.

La place des médecins reste discrète, tant dans le diagnostic ou la prescription, que dans l'orientation ou la mise en œuvre de la thérapie.

L'importance du « bouche à oreille » laisse présager un avenir rassurant aux psychothérapeutes qualifiés, même à ceux qui ne répondraient pas d'emblée aux nouvelles exigences iniques de la loi.

Mais le temps presse… et je m'arrête donc sur ces perspectives optimistes, afin de laisser une place à quelques questions de la salle.

S. G.

s.ginger@noos.fr



Bibliographie sommaire


• Magazine « Psychologies » : Résultats résumés de deux enquêtes nationales (BVA et CSA) :

• Site FF2P : S. Ginger : Le vrai visage de la Psychothérapie. Exposé aux États généraux. 5 mai 2001 (6 p.)


• Chambon O. & Marie-Cardine M. (1999). - Les bases de la psychothérapie, Dunod, Paris ; 2e édit. 2003.

• Champion F.et al. (2008). – Psychothéraie et société, A. Colin, Paris.

• Delourme A. & Marc E. (2004) – Pratiquer la psychothérapie, Dunod, Paris.

• Elkaïm M. et al. (2003). – A quel psy se vouer ?, Le Seuil, Paris.

• Ginger S. (2006). – Psychothérapie : 100 réponses pour en finir avec les idées reçues. Dunod, Paris.

• Ginger S., Marc E., Tarpinian A. et al. (2003). – Être psychothérapeute, Dunod, Paris.

• Nguyen T. et al. (2005). – Pourquoi la psychothérapie ? Dunod, Paris

• Thurin J. M. & M. (2007). – Évaluer les psychothérapies. Méthodes et pratiques. Dunod, Paris.

1D’autres enquêtes font état de pourcentages plus élevés : INPES (Institut National de Prévention et d’Éducation de la Santé), 2005 : 9,5 % ; et enquête MGEN (Mutuelle Générale de l’Éducation Nationale), 2007 : 11,5 %.

2Rappelons les études de Lambert (USA, 1986), citées par Chambon (1999-2003) : Facteurs d’amélioration dans les psychothérapies : rémissions spontanées (liées aux événements de la vie) : 40 % ; facteurs communs à toutes les thérapies (alliance thérapeutique, etc.) : 30 % ; attentes et implication du client (effet placebo : 15 % ; techniques spécifiques et méthodes d’intervention : 15 %.