Colloque FNAPSY « Psychiatrie et société »

mercredi 10 octobre 2007, au Ministère de la Santé


Les psychothérapies non psychanalytiques



par Serge Ginger, secrétaire général de la


Tout d’abord, pour tenter de clarifier les débats — ravivés par la réglemen­tation en cours — je rappellerai qu’il y a quatre principales professions concernées par la psychothérapie : les psychologues, les psychiatres, les psychothérapeutes et les psycha­nalystes.


Les 4 professions « psy » 


1. Les psychologues disposent d’un diplôme universitaire officiel (après un minimum de 5 années d’études : Master 2, ou ex-DESS). Ils ont donc un bon niveau de compétence sur le plan théorique. Ils ont aussi effectué des stages pratiques dans divers services.

Ils réalisent des examens, des expertises, coordonnent souvent des réunions de synthèse dans les institutions, etc. Il existe plusieurs spécialités : psychologues du travail, psychologues scolaires, experts auprès des tribunaux, psychologues « cliniciens ». Cependant, même ces derniers — qui ont suivi une formation en psychopathologie — ne sont pas formés pour autant à la psychothérapie, à l’université ! Il s’agit là d’une formation complémentaire et optionnelle. La Fédération européenne des psycho­logues professionnels exige d’ailleurs 3 ans de formation spécifique complémentaire.


2. Les psychiatres sont des médecins spécialistes des maladies mentales et des troubles psychiques. Ils ont fait de longues études (10 ans environ) et des stages dans des hôpitaux psychiatriques. En tant que médecins, ils sont habilités à prescrire éventuellement des médi­caments psychotropes : tranquillisants ou anxiolytiques, antidépresseurs, antidélirants ou neuroleptiques… De tels médicaments sont indispensables dans les cas graves (dépression avec risques de suicide, hallucinations, délires, pertes de contact avec la réalité, etc.). Dans les cas plus légers, ils peuvent être associés à une psychothérapie et la rendre plus efficace.

Outre les médicaments, le psychiatre mènera éventuel­lement quelques entretiens, plus ou moins prolongés. Cependant, il faut savoir que tout psychiatre n’est pas forcément psychothérapeute, car il s’agit là aussi d’une spécialisation complémentaire, non enseignée à l’Université publique, mais acquise par certains dans des instituts privés. La loi italienne, par exemple, exige 4 années d’études supplémentaires à temps partiel — soit 2 000 h — pour un psychiatre avant qu’il puisse prétendre au titre de psychothérapeute.


3. Les psychothérapeutes proprement dits ont tout d’abord suivi eux-mêmes une analyse ou une psycho­thérapie, puis se sont formés, dans des écoles et instituts spécialisés, à une des méthodes spécifiques de psycho­thérapie actuellement reconnues (regroupées en 5 principaux courants). Pour information, le Certificat Européen de Psychothérapie — ou CEP — représente 3 200 h de formation, en 7 années. Tous les psychothérapeutes certifiés se sont engagés à respecter un Code de déontologie spécifique ainsi qu’une Charte nationale. Ils sont estimés à environ 7 à 10 000 en France — où une réglementation officielle est en cours.

Les étudiants psychothérapeutes sont recrutés le plus souvent sur concours, à la suite d’une sélection. Cette sélection porte non seulement sur le niveau d’études à l’entrée (en principe, bac + 3), mais surtout sur l‘équilibre et la maturité de la personnalité. La formation est à la fois théorique (cours de psychologie, psychopathologie, anthropo­logie, philosophie, législation, éthique, etc.), méthodologique (principes et techniques, propres à chaque méthode) et pratique (entraînement concret à mener des séances individuelles ou de groupe). Les psychothérapeutes ne sont pas obligatoirement médecins ou psychologues.

Plus de la moitié viennent d’autres professions : travailleurs sociaux, éducateurs spécialisés, infirmiers, kinésithérapeutes, enseignants, sociologues, philo­sophes, etc.

La Fédération Française de Psychothérapie et Psychanalyse (FF2P) est membre de l’Association Euro­péenne de Psychothérapie (EAP) — laquelle regroupe 120 000 psycho­thé­rapeutes professionnels qualifiés, dans 41 pays d’Europe.

Cependant un problème existe : cette profession n’est pas encore clairement régle­mentée et ainsi, certains imposteurs peuvent s’infiltrer et s’autoproclamer « psychothéra­peutes », sans avoir suivi une formation professionnelle sérieuse. Aussi, convient-il de prendre quelques précautions avant de choisir son psychothérapeute, pour éviter certains charlatans, ou quelques « gourous ». Un annuaire national de psychothérapeutes certifiés est facilement accessible au public sur le site « www.ff2p.fr » ou sur « www.quelpsy.com ».


4. Les psychanalystes analysent notamment les processus inconscients du patient et les mécanismes de transfert (l’analyste symbolise une image parentale, avec qui se rejouent certains conflits infantiles) ; on distingue la psychanalyse proprement dite (sur divan) et les psychothérapies d’inspiration psychanalytique (ou "psychodynamiques"). Les analystes ont commencé par une longue psychanalyse personnelle. Certains sont médecins, d'autres pas.

En réalité, les psychanalystes sont des psychothérapeutes qui se réfèrent à une méthode particulière : la psychanalyse. La psychanalyse bénéficie en France d’un « droit d’aînesse » car elle est la plus ancienne des psychothérapies (inaugurée par Freud il y a plus de cent ans). Elle s’est ainsi taillé une place de choix, aussi bien dans les universités (où l’on étudie son histoire et sa théorie — mais pas sa pratique) que dans la litté­rature (des milliers de livres)… et même dans les magazines féminins ! Cette situation privilégiée de la psychanalyse est spécifique aujourd’hui à la France et à l’Argentine. Il existe en France une trentaine d’associations de psychanalyse, d’obédiences diverses et de niveaux assez dispa­rates, se référant à Freud, Lacan, Jung, Adler, Mélanie Klein, etc.


La réglementation en cours


La loi du 9 août 2004 réserve l’usage du titre de psychothérapeute aux médecins, psychologues, psychanalystes ou psychothérapeutes figurant sur un registre national, après une formation en psychopathologie. Mais cette loi n’est toujours pas applicable, le décret d’application n’ayant pas été voté. Les derniers « amendements Accoyer » ont été refusés par le Conseil constitutionnel, et le dernier projet de décret n’a pas été agréé par le Conseil d’État.

On ignore ainsi les exigences exactes qui seront arrêtées concernant la psychopatho­logie, ainsi que les distinctions éventuelles entre les diverses catégories de médecins et de psychologues. De même, les mesures transitoires pour les psychothérapeutes professionnels en fonction ne sont toujours pas précisées.

Ainsi, un amalgame existe toujours entre les vrais psychothérapeutes professionnels certifiés (avec un niveau d’études de bac + 7) et certains usurpateurs, autoproclamés sans formation suffisante. De plus, la loi est ambiguë et pourrait permettre à des médecins non psychiatres ou à des psychologues non cliniciens, de se déclarer « psychothérapeutes », sans formation spécifique à cet effet : ni psychothérapie personnelle, ni formation théorique, méthodologique et pratique, ni supervision de leur travail clinique — risquant de mettre ainsi en danger certains usagers (d’où l’utilité de la Charte nationale des personnes en thérapie, signée notamment par la FNAPSY).


Les 5 grands courants de psychothérapie 


On distingue généralement 5 principaux courants de psychothérapies : les psycho­thérapies d’inspiration psychanalytique, les thérapies cognitivo-comportementales, les thérapies familiales, les psychothérapies humanistes et les psychothérapies intégratives.


1 • Les thérapies d’inspiration analytique : freudiennes, lacaniennes, jungiennes, adle­riennes, kleiniennes, etc. D’après une enquête récente de l’Institut national de sondage BVA, portant sur 8 000 personnes représentatives de la population française, 25 à 30 % des personnes étant ­— ou ayant été — en psychothérapie ont choisi une approche de type psycha­nalytique (et 12 % seulement une psychanalyse classique sur divan). Par conséquent, 70 % des psychothérapies actuellement prodiguées en France ne sont pas psychanalytiques. Les analyses sont généralement longues de plusieurs années (3 à… 15 ans), à raison de plusieurs séances par semaine, et visent un remaniement éventuel de l’ensemble de la personnalité.


2 • Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont utilisées notamment dans certains hôpitaux, et visent à déconditionner les patients de certains blocages ou phobies, à dépasser des obsessions ou des troubles post-traumatiques. Ces thérapies sont généralement assez brèves (10 à 20 séances, en quelques mois) et centrées surtout sur la guérison de symptômes. Les TCC représentent actuellement en France de 10 à 20 % des psychothérapies.

On rattache souvent à ce courant une approche nouvelle, plutôt intégrative, l’EMDR, basée sur le retraitement de l’information cérébrale, à travers des stimulations alternées.


3 • Les thérapies familiales systémiques : ce n’est plus un « patient désigné » qui analyse ses problèmes, mais toute la famille en même temps. Les thérapeutes aident à clarifier les relations actuelles et le système de communication au sein de la famille, considérée dans son ensemble. Ces thérapies sont généralement assez courtes (quelques mois, à raison d'une séance par mois, en général). Les thérapies de couple peuvent être considérées comme une variante des thérapies familiales.

Les thérapies familiales représentent aujourd’hui de 10 à 12 % des psychothérapies.


4 • Les thérapies humanistes (ou existentielles) — sur lesquelles je reviendrai dans un instant : la Gestalt-thérapie, l’approche dite « centrée sur la personne », l’analyse transac­tionnelle, l’hypnose ericksonienne, ainsi que les thérapies psychocorporelles (parfois mentionnées à part). Ces dernières ne se limitent pas à un échange verbal, mais tiennent compte du corps, des émotions, de l’environnement, et analysent le comportement, les relations et le ressenti du client ainsi que sa relation au thérapeute. Elles visent un ajustement créatif de l’ensemble de la personnalité à ses conditions de vie actuelles — intégrant, bien entendu, son histoire personnelle et ses projets. Elles sont habituellement de durée moyenne (de un à 3 ou 4 ans, à raison d'une séance par semaine) et se pratiquent soit en séances individuelles, soit en petit groupe.

Les thérapies humanistes représentent globalement environ 30 à 40 % des psycho­thérapies en France, soit plus d’un tiers : elles sont ainsi les plus utilisées, de fait.


5 • Les thérapies intégratives (éclectiques ou multiréférentielles) tentent une synthèse des différentes théories, ou combinent des techniques issues des différents courants ci-dessus, par ex. : AT et Gestalt, Gestalt et psychodrame, psycho­drame et psychanalyse, etc.

Plusieurs des méthodes citées proposent aussi des thérapies sexologiques et de couple.


Les principales méthodes du courant humaniste ou existentiel


1. Gestalt-thérapie (Fritz Perls) : approche globale de l’individu selon les 5 principales dimen­sions de l’être : physique, affective, cognitive, sociale et spirituelle — ou, en d’autres termes, inter­action permanente entre le corps, le cœur, la tête, l’environnement social et l’idéologie sous-jacente de chacun (le sens de sa vie). Travail à la fois verbal et corporel. Se pratique en thérapie indi­viduelle ou en thérapie de groupe. Travail sur le contact, ses évitements et ses ruptures, et sur l'analyse de la relation actuelle avec le thérapeute (environ 10 % des psychothérapies).


2. Approche « centrée sur la personne » (Carl Rogers) : écoute active, avec reformulation des dires du client. Le thérapeute se veut « non directif », dans une attitude d’acceptation incon­ditionnelle de l’autre, dans sa différence et sa singularité.

(5 à 10 % des psychothérapies).


3. Analyse transactionnelle, ou AT (Eric Berne) : l’AT analyse les transactions psycho­logiques et les « jeux » inconscients entre les personnes, prenant en com­pte leurs « états du moi » (Parent, Adulte, Enfant) et leur « scénario de vie » inconscient, construit à partir de « décisions » prises dans le passé. Approche à la fois cognitive, émotionnelle et compor­tementale, l’AT vise à responsabiliser le client avec un contrat thérapeutique qui fixe les objectifs successifs de la thérapie. (5 à 10% des psychothérapies)


4. Psychodrame (Jacob Moreno) : mise en scène théâtrale de la vie du client : situations passées, actuelles ou futures (espérées ou redoutées), avec parti­cipation des membres du groupe qui tiennent les différents rôles évoqués par le protagoniste principal.


5. Hypnose ericksonienne (Milton Erickson) : travail sur les états de conscience modifiés permettant de mobiliser les souvenirs enfouis et les ressources profondes de l’inconscient.


6. Analyse Psycho-Organique (Paul Boyesen) : association d’une approche psy­chanalytique et d’un intérêt porté au corps. Cette approche prend en compte l’aspect relationnel avec le psychothérapeute. Les outils d'intervention comprennent la parole, l’analyse des rêves, le travail corporel, la respiration, le mouvement et la créativité.


7. Programmation Neuro-Linguistique, ou PNL thérapeutique (Grinder et Bandler) :

recherche de « l’excellence » dans la communication par les différents canaux de contact : visuel, auditif, kinesthésique, etc. Ajustement du langage à celui de l’autre. Thérapie brève, visant surtout un changement du com­portement ou la sédation d’un symptôme (phobies, etc.).


8. Thérapies psychocorporelles. Nombreuses variantes, telles que :

- la végétothérapie caractéro-analytique (Navarro)

  • l’analyse bioénergétique (Lowen) — qui vise à débloquer la « cuirasse corporelle »

  • l’intégration posturale (Painter) : recherche d’équilibre somato-psychique

  • la thérapie primale (Janov) : le développement est supposé bloqué par un traumatisme ancien, qu’on va tenter de revivre.


Pour conclure, je soulignerai la richesse et la complémentarité de la diversité


Dans certains cas, un traitement médicamenteux psychotrope (prescrit par un psy­chiatre) peut préparer, accompagner ou suivre la psychothérapie — notamment pour des patients présentant des troubles sévères : dépression avérée, troubles bipolaires, états limites (borderline), schizo­phrénie, etc.

Chaque profession apporte la richesse de son éclairage et de sa pratique spécifique ; chaque méthode à des indications privilégiées.

Il arrive parfois que certaines personnes — mal informées — déplorent la soi-disant « nébuleuse des psycho­thérapies » !… Pourtant, nul ne songe à se plaindre de la variété des médicaments… et moins encore, de la riche variété des fromages de notre terroir ou des vins de notre pays !


Références


• CHAMBON O. & MARIE-CARDINE M. (2003) : Les bases de la psychothérapie, Dunod, Paris.

ELKAÏM Mony et al. (2003) : A quel psy se vouer ? Psychanalyses et Psychothérapies : les principales

méthodes, Le Seuil, Paris.

• GINGER Serge (2006). Psychothérapie : 100 réponses pour en finir avec les idées reçues. Dunod, Paris.

GINGER, MARC, TARPINIAN et al. (2007) : Être psychothérapeute. Dunod, Paris.

MARC Edmond (2000) : Guide pratique des psychothérapies, Retz, Paris.

• Site FF2P : www.ff2p.fr

Serge Ginger

s.ginger@noos.fr

06.09. 762.651